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CE QUE LA CRISE COVID A RÉVÉLÉ DU TÉLÉTRAVAIL

Alors que le « télétravail » ne date pas d’hier, surtout pour les cadres, la crise du COVID a fortement remis en question cette forme d’organisation du travail : tant en mettant les entreprises au pied du mur, qu’en plaçant les salariés dans des situations nouvelles.

La France a connu une période de confinement de 2 mois, période qui se poursuit pour les entreprises ayant choisi un retour prudent à leur situation antérieure, tel l’un de nos clients qui teste un retour au bureau de la moitié de ses équipes seulement à partir du 1er juillet. Et il est loin d’être le seul.

Alors, faut-il encore parler de « télétravail » pour la période de confinement ?

Et surtout, quelles leçons retenir ?

LES INCONTOURNABLES POUR UN TÉLÉTRAVAIL DE QUALITÉ

La mise en place du télétravail doit prendre en considération la nécessité de concertation dans l’entreprise afin de rencontrer l’adhésion. Les psychologues du travail conseillent souvent une démarche participative et des groupes expérimentaux. Le télétravail même contraint ne doit pas être subi, car cela dégrade les conditions de travail des salariés et les expose aux risques psychosociaux.

Les experts en santé et condition de travail s’accordent à dire que la mise en place du télétravail doit prendre en compte :

  • Des aspects ergonomiques liés aux espaces de travail et à l’aménagement de l’environnement de travail : il est indispensable d’adapter la position du bureau, la position de l’écran ainsi que tous les éléments liés à l’assise face à un écran. Il est essentiel de bouger et de changer de posture pour à la fois reposer les points de tensions musculaires et le regard.

 Les ergonomes recommandent également d’alterner l’utilisation d’un écran à la lecture sur papier et à de l’écriture à la main si possible.

  • Des aspects psychosociaux liés à la préservation de la sphère privée et au maintien de la santé au travail : il est nécessaire de disposer d’un endroit isolé pour travailler, si possible dédié. Cette règle n’a pas pu être respectée dans de nombreux cas comme en attestent les interventions impromptues d’enfants lors de visioconférences ou d’appels téléphoniques.

LE TÉLÉTRAVAILLEUR EN MODE CONFINÉ, EXPOSÉ À DE NOUVEAUX RISQUES ?

En plus du climat de peur et de craintes pour leur santé dans un contexte de crise sanitaire, les salariés ont dû se mobiliser pour permettre à leurs entreprises de continuer à produire. Lors de cette période « le télétravail est [devenu] la règle pour tous les postes qui le permettent »[1].

Le télétravail est devenu « un télétravail forcé », alors que le volontariat, tant salarié que manager, fait partie des bases d’une mise en place sereine du télétravail.

Il est également continu, très loin des 2 jours par semaine maximum pratiqués jusqu’alors. Les salariés qui sont en télétravail ont du mal à décrocher le soir de leur travail ; la charge de travail est accrue du fait de l’éloignement, et combinée à des conditions de travail non-adaptées exposent les salariés au stress ; la durée de l’épisode génère des phénomènes d’usure …

Enfin il était par nécessité assuré au domicile, amenant les salariés à faire face à la garde des enfants, au partage des espaces de travail, voire du matériel informatique avec d’autres membres du foyer ce qui accroît encore le besoin de souplesse dans les horaires.  Ils ont aussi laissé « entrer » le travail, leurs collègues et leurs supérieurs hiérarchiques chez eux, dans leur sphère privée, au contact de leur famille.

Or avoir un début et une fin dans sa journée de travail, dissocier temps privé et professionnel, est indispensable. Hors situation exceptionnelle il est préférable de fixer des règles horaires pour les télétravailleurs. Le travail peut être source de stress par moment. Il est important que celui-ci soit occasionnel et ne se prolonge pas dans le temps afin de permettre aux salariés d’avoir des temps de coupure significatifs afin de permettre une récupération physique et mentale, et d’éviter une permanence du travail.

L’intensité et la durée de l’exposition aux risques classiques du télétravail sont telles dans le cas de la période confinée, qu’ils ne sont plus vraiment comparables aux enjeux du télétravail ponctuel.

ÉQUIPE ET TÉLÉTRAVAIL EN MODE CONFINÉ : CONFIANCE OU CONTRÔLE ?

Comment contrôler la bonne marche de l’activité dans une équipe qui est tous les jours à distance sans tomber dans l’excès ? Comment ressentir un malaise chez un membre de l’équipe via 100% de réunions par Teams, Skype, Zoom ou autres applications dédiée ? Comment aider les nouveaux arrivants, les juniors ou les stagiaires à évoluer à distance ? … autant de questions que les managers se sont posées pendant cette dure période de confinement et de télétravail total pendant plusieurs semaines.

En effet, une des clés du travail à distance est la confiance. Le manager doit créer un climat de confiance en acceptant de déléguer et de lui-même faire confiance. Être à l’écoute des conditions de travail des uns et des autres, accepter d’être plus flexible que d’ordinaire (horaires, rendus, etc.), et ce sans faire exploser sa mission légitime de contrôle. Cela implique que l’équipe soit autonome et organisée… ce qui n’a pas été le critère de choix pendant le confinement…

L’équipe a aussi un rôle à jouer dans ce genre de situation. En effet, une bonne cohésion d’équipe permet de garder des liens même à distance : le soutien du groupe en cas de difficulté, l’entraide et la solidarité sont des éléments clés dans ce genre de situation à la fois nouvelle et surtout subie.

Une autre des clés de la réussite du télétravail est de prendre le temps nécessaire pour apprendre des règles communes et équitables pour toutes et tous. Cela favorise la confiance et la cohésion dans une équipe. Comme pour toute forme de travail nouvelle ou inhabituelle, le télétravail s’organise et s’anime. Malheureusement tous les travailleurs qui ont subi le télétravail ne disposaient pas de temps d’adaptation. La soudaineté des mesures, imposées par la crise, a pris de court un nombre considérable de managers et de managés.

NÉGOCIER LE TÉLÉTRAVAIL D’ACCORD, MAIS LEQUEL ?

Pendant, 55 jours en France au moins,  le télétravail est devenu la règle obligeant un certain nombre d’entreprises à l’improviser et les salariés  à le subir. Pour beaucoup, c’est un télétravail « imposé » aux cadres, aux directions, aux salariés, par le COVID, faute de mieux, et quel que soit le niveau de préparation. Il a été source d’adaptations, d’innovations, mais aussi de tensions, parfois vives. Si la sortie de crise doit être l’occasion de mettre en valeur l’engagement, la solidarité, le caractère atypique du « télétravail COVID » ne doit surtout pas conduire à la marginalisation de certains salariés.

Le télétravail ne va pas devenir une règle à long terme pour tous les travailleurs en France. Le ministre de l’Économie l’a d’ailleurs souligné dans une allocution 5 semaines après la fin du confinement « le télétravail reste souhaitable, mais ce n’est pas la panacée ». L’un des enjeux principaux au sortir de la crise sanitaire est de faire la part de choses : derrière le même vocable « télétravail » se cache des enjeux proches par leur nature, mais d’une intensité incomparable. Le télétravail doit être adapté au métier et réfléchi pour chaque salarié qui le pratique.

Pour penser ou même repenser le télétravail, la première étape consiste donc à ne pas mélanger les bilans des mesures exceptionnelles, parfois encore en cours, de celles pré-crises sur le télétravail. Et ce pour mieux penser l’évolution de nos organisations et les nombreuses négociations qui attendent les partenaires sociaux sur le « télétravail ».

[1] INRS : COVID 19 et entreprises

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