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NUMÉRISATION ET IMPACT SUR L’EMPLOI

NUMÉRISATION ET IMPACT SUR L’EMPLOI

L’ANALYSE D’APEX-ISAST

Numérisation, l'impact sur l'emploi à l'heure du CSE

1/ EN RÉSUMÉ, C’EST QUOI LA NUMÉRISATION ?

Il n’y a pas de définition précise du terme de la numérisation, mais il s’agit d’un phénomène global, qui concerne tout le monde et toutes les entreprises, mais qui s’appuie avant tout sur des évolutions technologiques.

Ces innovations techniques (progression des capacités de calcul des microprocesseurs, la réduction du coût des équipements et la croissance des capacités de portage des réseaux…) portent depuis deux décennies une transformation des modes de production et de consommation de biens et services : on parle d’économie numérique. Cette économie se développe  rapidement, avec des conséquences sur l’emploi, le travail et les besoins en compétences.

2/ LA DIFFUSION DES TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES PERMET – POUR UN NOMBRE CROISSANT DE TACHES – DE SE PASSER DE PRÉSENCE HUMAINE. ON PARLE MÊME DE « FUTUR SANS EMPLOI ». CES CRAINTES SONT-ELLES JUSTIFIÉES ?

La peur du remplacement de l’homme par la machine n’est pas nouvelle. Elle doit toutefois être relativisée.

D’une part, l’Homme continuera de disposer  pendant longtemps d’un avantage concurrentiel sur la machine pour certaines  tâches. En effet, les robots comme les outils numériques existants sont encore peu adaptés pour la réalisation de tâches non routinières, c’est-à-dire les tâches qui ne sont pas effectuées dans un cadre prédéfini et stable.

D’autre part, les économistes s’accordent à dire que le progrès technique soutient la productivité, la croissance et donc l’emploi à long terme. Ainsi, les grandes vagues d’innovation technique précédentes, comme les deux premières révolutions industrielles, ont eu  un impact global positif sur l’emploi.

Ceci étant dit, il est vrai qu’une menace sur l’emploi existe avec la numérisation.  Les progrès des technologies numériques vont accroître considérablement le spectre des tâches automatisables dans les prochaines années. Chacun peut également observer que l’économie numérique bouscule déjà de nombreux secteurs : hôtellerie, transports etc.

Aujourd’hui, les études menées pour mesurer l’impact de la transformation numérique sur l’emploi se concentrent sur les destructions d’emplois qui pourraient résulter des progrès de l’automatisation. On estime à 10% le nombre d’emplois fortement menacés en France d’ici à 20 ans. Attention, ces études restent sujettes à caution, car on ne peut déterminer de seuil technologique à partir duquel un emploi serait automatiquement automatisé.

A notre sens, l’essentiel de l’enjeu est ailleurs. L’immense majorité des emplois ne disparaîtront pas, mais seront transformés car ils évolueront dans un environnement de plus en plus numérique : un emploi sur deux serait concerné en France. Nous observons déjà depuis 30 ans, avec l’introduction des premiers systèmes informatiques, une complexification des métiers et un développement des compétences analytiques et relationnelles. Cette évolution va s’amplifier et s’accélérer.  Or l’économie française souffre d’une inadaptation des compétences des salariés avec les besoins de l’économie numérique.  Ainsi, un tiers de la population ne disposerait pas d’un niveau suffisant en compétences numériques. L’enjeu est massif.

Un potentiel de création d’emplois non négligeable pourra enfin résulter de la transformation numérique : des créations d’emplois directs, dans la robotique ou l’intelligence artificielle par exemple. Ce potentiel apparaît toutefois limité en France. Des emplois indirects, liés à la création de nouveaux produits et services, pourront également être créés. On peut toutefois discuter de la qualité de certains de ces nouveaux emplois.

À plus long terme, les gains de productivité générés par l’innovation peuvent alimenter la croissance, et donc accélérer la création d’emplois. Cela suppose toutefois que ces gains soient redistribués au consommateur ou au salarié, ou bien réinvestis en France. Ce n’est donc pas garanti. L’action des pouvoirs publics et des partenaires sociaux apparaît ici déterminante.

3/ PARLONS DU TRAVAIL MAINTENANT. COMMENT VA-T-IL ÉVOLUER AVEC LES OUTILS NUMÉRIQUES ?

Sans préjuger de l’avenir, il est déjà important de se focaliser sur les premiers constats.

Comme d’autres vagues de progrès techniques avant elles, les technologies numériques et la robotique  permettent un transfert des tâches les plus répétitives, les plus standardisées et/ou les plus pénibles physiquement à des machines. Cette évolution est positive, mais elle pose de nombreux défis, notamment de transformation des emplois existants.

Autre constat, nous assistons avec la transformation numérique à un éclatement des modes d’organisation spatio-temporels traditionnels du travail. Concrètement, les projets qui se mettent en place chez nos clients allient généralement un nouveau concept d’aménagement des espaces (flex office, desk sharing…) et le renforcement du télétravail. Le gain visible est avant tout économique, grâce à une optimisation des surfaces immobilières. Pour les salariés, les gains liés à ces nouveaux aménagements sont très variables, et non garantis.

De façon plus globale, les mutations technologiques rapides poussent les organisations à renforcer leur agilité pour s’adapter en permanence. Cela se traduit par un renforcement attendu de l’autonomie des salariés. La coopération et la collaboration entre services est encouragée.  L’encadrement de proximité est de moins en moins attendu sur de l’expertise technique, mais davantage sur de l’animation de collaborateurs (« coaching »).

Les modes de management et d’évaluation sont bousculés par ces nouvelles organisations du travail, avec de vrais points de vigilance. Nous assistons à un renforcement des contrôles via les outils numériques. L’évaluation devient potentiellement permanente, renforçant les contraintes psychiques pesant sur les salariés. Autre point à surveiller, les risques d’isolement des salariés non utilisateurs des outils numériques.

4/ SUITE A TOUS CES CONSTATS, COMMENT AGIR DANS CE CONTEXTE ?

La mise en place du CSE (Conseil social et économique) va avoir des incidences fortes sur le rôle et les moyens de la représentation du personnel, et pas toujours dans le bon sens. Nous insistons sur ce point : la négociation de moyens adéquats pour les représentants du personnel regroupés en CSE conditionnera un dialogue social de qualité.

Dans le cadre des dernières évolutions législatives, la négociation est encouragée pour organiser la vie de l’entreprise. Dans ce cadre, il convient de prendre en compte les effets de la digitalisation. Des accords sur le temps de travail, la GPEC, les modalités d’organisation du travail et du télétravail peuvent notamment permettre d’anticiper ces enjeux. Des accords-cadres sur le thème de la numérisation commencent à apparaître, comme depuis 2016 chez Orange.

Dans ce cadre, les outils traditionnels des élus, tels que l’expertise, sont plus que jamais pertinents pour poser les bases de la négociation sur un diagnostic clair et partagé.

Nous recommandons aux représentants du personnel d’élaborer des indicateurs de suivi permettant de vérifier les incidences du développement de la numérisation au sein de leurs entreprises : politique de recrutement, absentéisme, gains de productivité, évaluations annuelles seront d’autant de thèmes à analyser pour vérifier les conséquences de la numérisation et de ses impacts sur les conditions de travail.

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